En 1844 et malgré la promesse faite lors de l’envahissement de 1837 de sauvegarder la ville, les autorités militaires françaises décidèrent de démolir la partie Nord de Constantine, afin d’y construire de nouveaux édifices, plus dignes du chef-lieu colonial qu’était désormais devenue la ville d’Ahmed Bey.
Les travaux entamés, pour ce faire, entraînèrent des découvertes archéologiques de première importance. Découvertes qui furent pillées par les colons. Du propre aveu de certains d’entre eux, arrivés contre leur gré en Algérie, au lendemain du coup d’Etat de 1851, lesquels jouissaient, pour la plupart, d’un niveau culturel probant.
C’est cette frange de colons, qui décidera alors de fonder une association de sauvegarde des vestiges de Constantine, connue sous le nom de la ‘Société archéologique de Constantine’, (ancêtre de celle, dont présidera aux destinées, après l’Indépendance, Me Bentorcha, distingué membre du Barreau de Constantine et parfait érudit en matière d’histoire).
Prisonniers de leur civilisation, ces colons amateurs d’histoire avaient surtout à l’esprit, la préservation des vestiges qui soulignaient la latinité postérieure de l’antique Cirta. Ils participaient en cela du projet colonialiste légitimant la conquête de notre pays, en n’y voyant qu’un ‘juste retour des choses’.
C’est sur l’initiative de cette société qu’une demande de création d’un musée fut introduite auprès des autorités. Elle jettera son dévolu sur le lieu, hautement symbolique, du palais du Bey, mais celui-ci étant déjà occupé par l’administration militaire, elle ne put l’obtenir et dut se contenter d’un petit local, sis a l’actuelle rue Souidani, qui abritera le premier noyau du futur musée de Constantine.
Ce noyau s’organisera autour de l’acquisition de la collection d’un pharmacien italien établi à Constantine du nom de Lazare Costa, constituée de stèles, de poteries, de céramiques et de verreries anciennes, découvertes dans l’Est algérien, dont certaines se trouvent aujourd'hui encore au musée ... du Louvre.
Toutefois, en la matière, Constantine avait accumulé un retard sensible sur d’autres villes algériennes, puisque le musée d’Alger existait depuis 1838, alors que celui de Cherchell avait ouvert ses portes en 1842.
Est-il besoin de souligner dans quel but ces musées furent créés ? L’expropriation culturelle coloniale faisait, ainsi, main basse sur la mémoire de l’Algérie, illuminant la période latine, pour mieux plonger dans l’ombre et sous l’opprobre notre véritable histoire.
En 1907, le propre fils du premier édile de la ville, en la personne de Gustave Mercier, membre actif et très connu de la société archéologique, put enfin arracher pour la société, un terrain en vue de l’édification d’un musée à la mesure de la métropole qu’était devenue Constantine.
Le site du Coudiat fut choisi, d’autant que celui-ci, aménagé sur ordre de NapoléonIII, lors de sa visite en 1863, était réservé aux administrations témoignant de la souveraineté de la France sur celle qu'on avait eu à surnommer "l'Imprenable cité".
Même l’espace s’y prêtait, Coudiat étant une butte dominant la ville arabe. Le musée devait aussi surplomber et être visible de n’importe quel endroit du Constantine d’alors. Quand à la façade du musée, exposée au Nord, vers le mer, elle devait souligner la continuité d’une certaine France. Le prétexte historique fut aussi trouvé, puisque sur le terrain même ou le futur musée devait s’élever, furent découverts les vestiges d’une nécropole punique.
Ce n’est qu’en 1930, date anniversaire du centenaire de la « présence » française en Algérie, que l’inauguration officielle eut lieu. La même année et à la même occasion, furent aussi inaugurés le musée des Beaux-Arts, à Alger et le musée Maeght, à Oran.
Mais le musée de Constantine, baptisé, du nom de son initiateur Gustave Mercier, ne fut ouvert au public que le 15 avril 1931.
On était loin de la modeste collection de la rue Sauzai, les premiers visiteurs purent admirer une multitude de vestiges et même de nombreuses belles toiles, acquises avec le concours du Musée des Beaux-Arts d’Alger.
A partir de là, dons et achats affluèrent. Ils servirent à orner les élégantes galeries du musée, inondées de lumière, grâce aux nombreuses fenêtres aux vitres s'étendant jusqu’au ras du sol. Les multiples collections ne cessaient de s’enrichir. La dynamique société archéologique, véritable cheville ouvrière, consentait fouilles et études, au profit du musée, dont elle était, en fait la marraine.
La seconde guerre mondiale verra le fermeture du musée, pour bientôt servir de locaux administratifs à l'État-Major des Alliés, après leur débarquement en Afrique du Nord en 1942.
Vint l’Indépendance : l’Algérie victorieuse renouera enfin avec elle-même sans exclusive, malgré le peu d’intérêt au développement de ces espaces privilégiés pour la mémoire des nations que sont les musées.
Les musée, peu à peu, perdront le rôle phare qui est leur, pour céder sous les coups de boutoir de la conjoncture, avec une timide reprise ces dernières années.
Au musée de Constantine, une toile d'Issiakhem porte le titre (inspiré, peut-être, par Kateb Yacine) de « L’histoire est reprise, reprenons-la ! », oui reprenons là, les musées nous y aideraient.